Je suis parti à la recherche de mon premier désir d’écrire. Si je ne suis pas revenu dans quelques jours, ne prévenez personne, car il se pourrait alors que je l’ai trouvé.
J’ai beau remuer mes souvenirs dans tous les sens, les replacer du plus ancien au plus récent, en piocher un parmi les autres ou les prendre de haut, aucun primodésir d’écrire ne me vient à l’esprit. Alors quoi ? Est-ce à dire que je n’ai jamais allumé ce feu que Cocteau veut emporter partout avec lui ? Et, qu’à chaque fois que je me pose devant la feuille blanche, j’enflamme une allumette ?
Souvent, ma mémoire me fait défaut, j’essaie de revenir dans ma chambre d’enfant ou d’adolescent. Je me vois encore penché sur un cahier et y coucher sur le papier des poèmes, de mauvais poèmes. Mais je ne saurais y définir un âge, sans doute entre quatorze et seize ans. Je me souviens que Mitterand était président, parce que je lui avais dédié une de ces mièvreries. Pourquoi cet éloge ? Seul cet adolescent perdu dans mes zones corticales le sait.
Je ne suis pas certain que la rédaction d’alexandrins soit là mon désir d’écrire. Il se peut que cette envie remonte à une époque où, j’étais alors étudiant, nous nous mettions avec mes amis dans des univers parallèles au travers des jeux de rôle. Ces jeux où chacun de nous endossait un personnage d’héroïc fantasy, tantôt magicien, tantôt elfe et nous partions pendant des heures voire des nuits batailler dans des contrées maléfiques à la recherche de trésors. Tout cela par notre simple imagination. Il se peut, oui, qu’il soit ainsi mon premier désir d’écrire.
Pourtant, de là, rien n’est sorti, jamais. Une tentative à quatre mains avec un ami, par correspondance, nous nous envoyons un chapitre composé à la suite de l’autre, mais ce projet à fait long feu. Ça n’est pas donc pas ce feu-là que je cherche.
En fait, je suis persuadé que depuis toujours, chacune de mes pensées est une histoire à part entière, un début de roman, une récit qui doit se raconter. Pas les réflexions qui nous font acheter le pain, ou prendre à gauche au prochain feu tricolore, pas non plus celles qui m’occupent dans l’accomplissement de mon travail, non, ce sont ces pensées qui divaguent, celles qui m’assiègent lorsque je regarde un père et son enfant dans un parc, une vielle dame à la caisse d’un supermarché ou quand j’écoute un trio de jazz.
Je viens de terminer mon premier roman et paradoxalement, l’intrigue ne m’est pas venue d’une de ces rencontres, mais d’un exercice proposé par Eric-Emmanuel Schmitt dans une masterclass d’écriture.
Toutes ces histoires qui m’ont transpercé s’en sont allées, sans éteindre mon feu.
Comentarios